France: renvoi en Algérie en violation de la mesure provisoire de la Cour EDH
M.A. c. France, arrêt du 1er février 2018
Le requérant soutient que son renvoi en Algérie l’exposait à un risque sérieux de traitements contraires à l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants), le gouvernement algérien étant informé de sa condamnation en France pour des faits liés au terrorisme. Il soutient avoir subi de tels traitements depuis son arrivée en Algérie et rester exposé à des risques futurs. Il allègue qu’en le remettant aux autorités algériennes, en violation de la mesure provisoire indiquée par la Cour, le gouvernement français a manqué à ses obligations au titre de l’article 34 (droit de requête individuelle). Enfin, le requérant invoque également l’article 8 (droit au
respect de la vie privée et familiale), ainsi que l’article 3 au titre de son épouse et de ses enfants.
Violations constatées:
Article 3
La Cour réaffirme qu’il est légitime que les États contractants fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme. Elle observe, en l’espèce, que des rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs ONG décrivent une situation préoccupante en Algérie. Ces rapports, qui datent de l’année au cours de laquelle le requérant a été renvoyé en Algérie, signalent de nombreux cas d’interpellation par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), particulièrement de personnes soupçonnées d’être impliquées dans le terrorisme international. Ces personnes seraient alors placées en détention sans contrôle judiciaire ou communication avec l’extérieur et pourraient être soumises à de mauvais traitements, y compris à la torture.
La Cour note que le requérant a fait l’objet en France d’une condamnation motivée et détaillée, don’t le texte est public. À son arrivée en Algérie, il a effectivement été arrêté par le DRS et emprisonné.
Au vu du profil du requérant, dont la condamnation pour des faits graves de terrorisme était connue des autorités algériennes, la Cour considère qu’au moment de son renvoi en Algérie, il existait un risque réel et sérieux qu’il soit exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
Les autorités françaises ont donc violé l’article 3 de la Convention.
Article 34
La Cour constate, comme le reconnait le Gouvernement, que la mesure provisoire n’a pas été respectée. Pleinement consciente qu’il peut être nécessaire pour les autorités de mettre en oeuvre une mesure d’expulsion avec rapidité et efficacité, elle rappelle que les conditions d’exécution d’une telle mesure ne doivent pas avoir pour objet de priver la personne reconduite du droit de solliciter de la Cour l’indication d’une mesure provisoire. La Cour observe que la décision de refus de demande d’asile du 17 février n’a été notifiée au requérant que le 20 février, alors que les modalités
de son transport avaient déjà été retenues et qu’un laisser-passer avait été délivré par les autorités algériennes à son insu. La Cour en conclut que les autorités françaises ont créé des conditions dans lesquelles le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la Cour d’une seconde demande de mesure provisoire. Elles ont, délibérément et de manière irréversible, amoindri le niveau de protection des droits énoncés par la Convention. L’expulsion a retiré toute efficacité à l’éventuel constat de violation.
La Cour conclut que les autorités françaises ont manqué à leurs obligations découlant de l’article 34.
Voir communiqué de presse:http://hudoc.echr.coe.int/eng-press?i=003-5992943-7672730
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